Article mis en ligne le 16 décembre 2019
Dilectae / Aurélia Frey
Au cours d’une résidence de deux mois au musée Balzac dans le cadre de la manifestation ACTES 2018, la photographe Aurélia Frey a exploré la vallée de l’Indre et ses châteaux : elle a imaginé les derniers instants de l’héroïne du Lys dans la vallée, Blanche-Henriette de Mortsauf.
Aurélia arrive au musée Balzac, château de Saché, un premier jour de juin. C’est en début d’après-midi. On ressent déjà les signes de la canicule de l’été 2018. Dès les premiers instants, elle commence à s’enivrer de l’atmosphère des lieux et à se détacher d’une approche littérale de l’œuvre balzacien. Les jours suivants, munie de son imposant sac à dos surchargé de matériel photographique, elle arpente la vallée de l’Indre à la rencontre des habitants et de la nature. Puis elle jette son dévolu sur le roman Le Lys dans la vallée qui devient son livre de chevet. Fascinée par son héroïne, Blanche-Henriette de Mortsauf, cette femme vertueuse jusqu’à la folie, elle cherche à explorer son histoire. Elle marche alors sur les pas de Balzac.
Dans l’église de Saché, elle découvre une plaque funéraire et son épitaphe en latin, hommage à la pieuse Marguerite de Rousselé (1608-1628), fille des propriétaires du château de Saché morte en odeur de sainteté. Elle y est qualifiée de Dilecta (« bien-aimée »). De là, elle fait la connaissance de Laure de Berny (1777-1836), premier amour de Balzac, nommée Dilectae dans sa dédicace au roman Louis Lambert mûri à Saché pendant l’été 1832 : Et nunc et semper dilectae dicatum (« À la chère entre toutes, pour maintenant et pour toujours »). Puis elle comprend qu’Henriette est le filigrane vertueux de Laure. Mme de Mortsauf, mariée, mère de deux enfants pour lesquels elle est prête à tout sacrifier, tombe amoureuse du jeune Félix de Vandenesse, l’un des « fantômes du miroir » du romancier lui-même… Mais Henriette choisit de ne pas succomber aux plaisirs charnels. Elle propose à Félix un amour platonique. Jusqu’au jour où la jalousie la dévore, au point de se laisser mourir, rongée par les regrets. Ce sont ces derniers instants qu’Aurélia a souhaité dévoiler à travers les photographies exposées au musée Balzac du 1er septembre au 15 novembre 2018.